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  • MUHAMMAD YUNUS : "LE SYSTEME EST AVEUGLE A TOUTE AUTRE CONSIDERATION QUE LE PROFIT"

    LE MONDE 2 | 25.04.08 | 11h19 • Mis à jour le 25.04.08 | 14h51

    MOHAMED YNUS.jpg
    REUTERS/RAFIQUR RAHMAN

    Depuis plus de trente ans, Muhammad Yunus propose, avec un réel succès, l'accès au crédit pour les plus démunis. A l'heure de la crise du système bancaire et des émeutes de la faim, l'économiste bangladais, Prix Nobel de la paix en 2006, pointe les limites et les failles du capitalisme, et préconise un modèle d'entreprise sociale, qui n'exclurait plus de la vie économique la majeure partie de l'humanité.

    Elle s'appelait Sufiya Begum. Au début des années 1980, elle vivait dans une maison de terre, à la campagne, au Bangladesh. Elle fabriquait de jolis tabourets en bambou. Son mari, journalier, gagnait l'équivalent de quelques centimes d'euros par jour. Ne possédant pas 'argent, Sufiya Begum vendait tous ses tabourets à un commerçant, qui les lui échangeait contre 25 cents et un peu de bambou – c'était son prix. Un jour, Muhammad Yunus vient la trouver, étonné qu'elle gagne si peu. A cette époque, après des études économiques aux Etats-Unis, le professeur Yunus doute.

    En 1974-1975, le Bangladesh a été ravagé par une terrible famine, et, raconte-t-il, il trouvait alors " de plus en plus difficile d'enseigner d'élégantes théories économiques sur le fonctionnement supposé parfait des marchés libres, tandis que la mort ravageait [son] pays.". Il décide d'agir, bien déterminé à endiguer la pauvreté dans la région de Jobra. Il ne comprend pas pourquoi elle est endémique. En discutant avec Sufiya Begum, il réalise ce qu'il se passe. "Cette femme était étranglée par son prêteur. Il la condamnait à une sorte d'esclavage. Elle lui donnait toute sa collection de tabourets pour 25 cents, juste parce qu'elle ne pouvait acheter le bambou. Il lui manquait un crédit. J'ai mené une enquête. Quarante-deux villageois dépendaient des prêteurs. Tous auraient pu vivre de leur activité, avec un petit investissement. Il leur fallait, en tout, 27 dollars. Je les avais en poche… " Les idées fondatrices de la Grameen Bank et du microcrédit sont nées de ces rencontres.

    Aujourd'hui, après vingt-cinq ans d'existence, la Grameen Bank et les institutions de microcrédit à travers le monde ont aidé à sortir de la pauvreté 150 millions de personnes. Le professeur Yunus a obtenu, avec la Grameen Bank, le prix Nobel de la paix en 2006. Depuis plusieurs années, il développe une nouvelle initiative : l'" entreprise sociale ". Il s'agit de lancer des activités économiques rentables mais dont l'objectif est d'apporter un bénéfice social aux exclus du monde économique. Ainsi a-t-il créé au Bangladesh, avec Franck Riboud, le PDG de Danone, la société Grameen Danone Foods qui vend aux habitants de Bogra des yaourts frais à bas prix, qu'ils voudraient servir dans des coques comestibles – et vitaminées. L'initiative permet de lutter contre la malnutrition et les carences alimentaires et d'offrir des emplois locaux. Si elle fonctionne, elle sera étendue à tout le pays. " Ce genre de petite entreprise sociale pourrait se généraliser, explique le professeur Yunus. Elle ouvre un nouveau type de marché, attentif à la pauvreté et aux besoins réels, qui va peut-être changer nos fondamentaux économiques. "

    Nous avons rencontré Muhammad Yunus à Paris, alors que le système mondial du crédit traverse une crise historique et que plusieurs grandes banques se sont effondrées. La peur de la récession gagne les Etats-Unis et des dizaines de milliers d'Américains se retrouvent poussés à la rue par les organismes prêteurs. Qu'en pense le fondateur de la Grameen Bank, où les taux de remboursement dépassent les 95 % ?

    Comment expliquez-vous cette gigantesque crise du crédit populaire qui ébranle l'ensemble du système financier ? L'avez-vous vu venir ?

    Dans l'affaire des subprimes, la crise est inhérente au fonctionnement du monde financier et bancaire. Les principes mêmes de crédit, les garanties exigées, les primes de risque réalisées sur le dos des moins solvables ont révélé combien ce système ne sait pas prêter aux pauvres. La faute revient donc d'abord aux banques. Elles ont prêté beaucoup d'argent en multipliant les fausses promesses. Elles se sont montrées très agressives dans leur publicité. Elles proposaient aux gens des offres fantastiques, assuraient que les plus modestes pourraient rembourser sur la durée.

    En fait, les crédits devenaient de plus en plus lourds. C'est la logique du système financier. Les pauvres doivent être mis sous pression pour rembourser. A la Grameen Bank, nous faisons l'inverse. Nous ne demandons pas de garantie pour prêter de l'argent. Nous n'étranglons pas les gens en pratiquant des taux exorbitants. Nous avons inversé le principe même du crédit. Chez nous, moins vous avez, plus vous nous intéressez. Si vous n'avez rien, alors vous êtes prioritaires. Et ça marche ! Notre taux de remboursement est supérieur à 95 %, comparez !

    Les subprimes, les dettes transformées en produits financiers, l'aveuglement face à la situation des ménages les plus pauvres : comment en sommes-nous arrivés-là ?

    Le système financier cherche toujours le meilleur rendement, il est emporté par sa propre logique, les subprimes, les titres, les hedge funds… La seule voix qui se fait entendre sur le marché est la maximisation des profits. La vente des crédits consentis en titres financiers et créances hypothécaires, la création et les échanges d'actifs bancaires sans solvabilité ont accéléré la crise.

    De grandes banques, de grandes sociétés les ont utilisés pour se couvrir à l'heure des bilans. Le système est aveugle à toute autre considération que le profit. Aujourd'hui, les médias font leurs gros titres sur les sommes colossales perdues par les banques, tout cet argent dilapidé, ces patrons démis de leurs fonctions… Mais j'entends très peu parler des familles qui ont été dupées par les offres inadaptées des banques, qui se retrouvent poussées à la rue, poursuivies par les créanciers, ces centaines de milliers de gens qui les ont crues.

    Vous remettez en cause le principe même de l'octroi du crédit sous garantie, fondement de la théorie économique classique et du fonctionnement financier…

    En effet, je critique le dogme selon lequel des prêts ne peuvent être accordés sans garantie, surtout aux plus pauvres. Tous les banquiers défendent ce principe sans même l'analyser. Quand nous avons commencé, en 1983, ils nous disaient : " Vous gaspillez votre argent. Vous ne serez jamais remboursé. Votre système va s'écrouler. " Mais c'est leur système qui s'écroule aujourd'hui. Depuis vingt-cinq ans, la Grameen Bank et les institutions du microcrédit ont distribué 6 milliards de dollars à 150 millions de familles, sans demander de garantie. Notre banque réalise des profits, comme toute banque bien gérée. Elle n'a pas eu recours à des dons depuis 1995. Elle fonctionne en collaboration avec 10 000 institutions de crédit dans le monde. Selon une enquête récente, 64 % de ceux qui nous ont emprunté pendant cinq ans sont sortis de la pauvreté chronique. Notre initiative constitue une opportunité pour ajuster l'ensemble du système financier. Il devrait permettre de penser un nouveau genre de crédit qui ne laisse personne de côté.Les principes actuels du système bancaire interdisent à la moitié de la population mondiale de participer à la vie économique. Pas seulement dans les pays du Sud, mais aux Etats-Unis et en Europe aussi. Les banques traditionnelles demandent aux gens d'être solvables avant même de leur prêter de l'argent. Mais alors à quoi servent-elles, si elles ne les aident pas à sortir d'une situation difficile, à créer de la valeur, du travail ? Les banques demandent tous les jours à leurs avocats de coincer leurs clients. Nous n'avons pas de juristes dans notre système. Nous n'en avons pas besoin. On mesure combien la théorie économique dominante présente plusieurs angles morts.

    Lesquels vous semblent-ils les plus dangereux ?

    Les banques et les financiers refusent d'entendre que prêter aux pauvres permet de créer des emplois et de générer des revenus. Ils ne reconnaissent pas une famille ou un ménage comme une unité de production dynamique. Ils ne voient pas qu'une activité indépendante – échoppe de rue, service de réparation, barbier, retoucheur, petit artisan itinérant, tout ce qu'on appelle le "secteur informel " – constitue un véritable travail, et même une source d'emploi qui doit être encouragée par le crédit. La littérature économique fait l'impasse sur cette donnée majeure de l'activité humaine, le travail indépendant, qui est le premier moyen de gagner sa vie. Les responsables économiques considèrent l'emploi comme salarié uniquement, ils attendent des entreprises qu'elles embauchent. Si elles ne le font pas, le chômage s'installe. Voilà la logique actuelle du capitalisme. Pourquoi les gens devraient-ils attendre d'être employés ? Pourquoi ne pas les aider à créer leur propre activité ? Les pauvres du Sud n'attendent pas que des grandes entreprises les rémunèrent. Ils n'espèrent pas tout de la politique d'emploi et des allocations-chômage. Ils doivent nourrir leur famille, ils font une multitude de travaux utiles, petit commerce, service de réparation, tailleur… Regardez l'intense activité qui règne dans les rues des villes asiatiques les plus pauvres, et comparez avec les vôtres ! Il faut soutenir cette énergie avec le crédit populaire, lui donner des outils économiques…

    Vous dites qu'en Europe et aux Etats-Unis, nous sommes enfermés dans une politique d'emploi et de crédit élitaire et étriquée. Expliquez-nous…

    Récemment, un ami américain me racontait qu'il avait traversé les régions pauvres des Etats-Unis, les villes frappées par les licenciements et le chômage. Il décrivait des quartiers déserts, des rues mortes, des maisons inoccupées, des bureaux et des usines fermées, partout. Il se demandait comment les habitants parvenaient à survivre. Voilà à quoi mène la logique du travail salarié, la politique de l'emploi unique. Quand cet ami a visité le Bangladesh, infiniment plus pauvre que les Etats-Unis, il a découvert combien n'importe quel coin du pays, à la ville, la campagne, grouille d'activités " informelles ". Sur la moindre parcelle inoccupée, on trouve des cabanes où l'on vend de tout, des légumes, des outils, de l'électronique… Dans pratiquement toutes les maisons, les cours, les jardins, les gens trient leur récolte, fabriquent, soudent, réparent. Dans l'Occident riche, vous ne proposez qu'un seul type d'emploi, salarié, pour un patron, une entreprise. Entendez-moi bien : je soutiens toute forme d'embauche et d'industrie, toute politique de l'emploi. Mais ne promouvoir que le salariat me semble terriblement limité. Voir seulement l'homme comme un être recherchant une paie me semble une conception étroite de l'humain. C'est une forme d'esclavage.

    D'esclavage ?

    Aujourd'hui, dans les pays du Nord, chaque enfant travaille dur à l'école pour obtenir un bon travail. C'est-à-dire un bon salaire. Adulte, il travaillera pour quelqu'un, deviendra dépendant de lui.

    L'être humain n'est pas né pour servir un autre être humain. Un travailleur indépendant, qui tient une échoppe par exemple, travaille quand il en a besoin. Si certains jours il ne veut pastravailler, il le peut. Il a fait sa journée, il profite un peu de la vie. Il n'a personne à prévenir s'il a une heure de retard. Il ne s'inquiète pas de perdre une partie de son salaire. Quand nous étions des chasseurs-cueilleurs, nous n'étions pas des esclaves, nous dirigions nos existences. Des millions d'années plus tard, nous avons perdu cette liberté. Nous menons des vies rigides, calées sur les mêmes rythmes de travail tous les jours. Nous courons pour nous rendre au travail, nous courons pour rentrer à la maison. Cette vie robotique ne me semble pas un progrès. Avec le salariat, nous avons glissé de la liberté d'entreprendre et d'une certaine souplesse de vie vers plus de rigidité. J'ai un salaire, un patron, je dois faire mon job que cela me plaise ou non, car je suis une machine à sous. C'est là le danger global des structures économiques actuelles, de la théorie dominante. L'homme est considéré comme un seul agent économique, un employé, un salarié, une machine. C'est une vision unidimensionnelle de l'humain. Le salariat devrait rester un choix, une option parmi d'autres possibilités.

    Le " secteur informel " n'a pas bonne réputation dans la littérature économique des pays riches…

    C'est un terme dégradant. Ce secteur n'est jamais encouragé ; au contraire, on l'entrave avec des règlements, des patentes, des impôts. Je suggère de lui donner un nom plus adapté, plus valorisant, car c'est justement là que les hommes se montrent le plus créatifs. Faute de mieux, je propose le " secteur des gens ", c'est-à-dire lorsqu'ils inventent eux-mêmes leur emploi, créent leur activité et la pratiquent dans la rue, les quartiers, à la campagne. Dans ce champ d'activité, la population invente son emploi, le pratique un peu partout, dans la rue, dans les quartiers, à la campagne. Le gouvernement n'a rien à y faire, seulement à veiller de ne pas l'étouffer. Je fabrique des bijoux, je grille des noix et des bonbons, je fais la cuisine pour les gens du quartier, je retouche les habits usés, je chante aux terrasses… C'est l'auto-emploi, le self-employement. Je n'ai pas à remplir un formulaire de candidature. Je n'attends pas d'être embauché. Je réponds directement à la demande. En inventant mon activité, je prends soin de moi-même et de ma famille. Des dizaines de millions de personnes vivent ainsi dans les pays en voie de développement. Dans les pays riches, la théorie dominante ne considère pas ces activités comme " économiques ". Les acteurs sociaux, les banques, se refusent à les financer et les aider. Ils croient seulement à l'entreprise formelle, au salariat. Comme si recevoir un salaire vous donnait le certificat de développement !

    Quels autres " angles morts " de la pensée économique révèlent la crise actuelle ?

    Les gouvernements qui tiennent les leviers et les banques considèrent la personne humaine comme une entité abstraite, un agent économique dépourvu de genre sexuel. Or, notre expérience à la Grameen Bank révèle que les femmes se montrent beaucoup plus actives et solvables que les hommes dès qu'on leur donne du crédit. Au Bangladesh, quand j'essayais en vain de convaincre les banques d'octroyer des prêts aux villageois, on me répondait toujours : " C'est impossible de faire ça. " Quand j'ai émis l'idée de prêter aux femmes pauvres, on m'a considéré comme un illuminé. Quand on parlait d'argent aux femmes, elles répondaient toutes : " Voyez mon mari. Je ne touche jamais à l'argent. Je n'y connais rien. " Je me suis rendu compte qu'aucune femme, pas même 1 % d'entre elles, ne fréquentait les banques. Elles ont été tellement sous-estimées que je me disais : elles ont peur, cela va prendre du temps. Quand nous avons lancé la Grameen Bank, nous voulions parvenir à accorder des prêts à au moins 50 % de femmes. Nous savions qu'il allait falloir vaincre les résistances des femmes elles-mêmes.

    Cela vous a pris longtemps ?

    Nous avons mis six ans pour atteindre la parité. Nous nous sommes alors rendu compte que l'argent confié aux femmes procurait beaucoup plus de bénéfices. Elles créaient du travail, de l'emploi, des richesses. Elles remboursaient leur crédit. Au début, nous ne travaillions qu'au Bangladesh. Les femmes bangladaises prennent beaucoup plus soin des enfants que les hommes. Elles pensent à leur avenir, elles veulent faire bouger les choses pour qu'ils vivent mieux demain. Les hommes, eux, veulent profiter de l'instant, ils dépensent facilement. Au début, nous pensions que cet état de fait ne concernait que le Bangladesh. Mais non, on retrouve la même volonté féminine sur tous les continents. Je crois que du fait de sa longue histoire au service des enfants et des hommes, la femme possède une qualité unique, le sacrifice de soi. L'homme ne possède pas un tel sens du sacrifice. On entend rarement dire qu'une femme est allée boire sa paye. Les femmes pensent à long terme, elles économisent, elles sont solvables. Voilà pourquoi le ratio de la Grameen Bank s'est inversé. Aujourd'hui, les femmes sont nos principaux clients.

    A 90 %… Les banques traditionnelles n'ont jamais pensé prêter aux femmes, elles n'ont jamais compris la force économique vertueuse et dynamique qu'elles représentent.

    Vous appelez de vos voeux un " capitalisme social ", un nouveau capitalisme. C'est-à-dire ?

    Souvent on me demande : " Vous avez créé la Grameen Bank. Est-ce que vous n'en tirez aucun profit ? " Je réponds : " Je ne possède pas la Grameen, je ne possède aucune part de la société. "

    J'ai toujours pensé que la Grameen Bank devait être possédée par les emprunteurs, les pauvres. Ce sont eux les propriétaires, d'ailleurs ils font partie du conseil de direction. Bien sûr, je suis chef d'entreprise, je reçois un salaire, mais celui-ci n'est pas lié au fait que je possède des parts. Travailler dans une entreprise à vocation sociale ne vous rapporte aucun dividende. D'autres interlocuteurs me disent, au Bangladesh : " Vous devez être riche, vous avez créé la plus grosse entreprise de téléphones mobiles du pays. " Je leur réponds : " Il s'agit en effet de la plus grosse entreprise de téléphonie mobile du pays, mais cela ne me rend pas riche pour autant. J'ai créé l'entreprise sans même jamais penser y prendre des parts. " Alors ils s'interrogent : " Pourquoi avoir bâti tout cela si vous n'y gagnez rien ? " Je gagne ce que me rapporte mon travail.

    Vous avez contribué à fonder de nombreuses sociétés pourtant…

    J'ai participé à la création de vingt-six sociétés avec la Grameen Bank, je ne suis actionnaire d'aucune. Je sais bien ce que les certains pensent : " C'est un idéaliste. " Mais non, je ne suis pas idéaliste, je suis réaliste. Tout le monde espère gagner de l'argent en faisant des affaires. Mais l'homme peut réaliser tellement d'autres choses en faisant des affaires. Pourquoi ne pourrait-on pas se donner des objectifs sociaux, écologiques, humanistes ? C'est ce que nous avons fait. Le problème central du capitalisme " unidimensionnel " est qu'il ne laisse place qu'à une seule manière de faire : rentrer des profits immédiats. Pourquoi n'intègre-t-on pas la dimension sociale dans la théorie économique ? Pourquoi ne pas construire des entreprises ayant pour objectif de payer décemment leurs salariés et d'améliorer la situation sociale plutôt que chercher à ce que dirigeants et actionnaires réalisent des bénéfices ?

    Quelles en seraient les règles de fonctionnement, à la fois capitalistique et social ? Pourriez-vous donner des exemples ?

    Les premières entreprises de ce genre gravitent déjà autour de la Grameen Bank ou du commerce équitable. Elles ressemblent à des sociétés capitalistes classiques, elles emploient des travailleurs, produisent des biens et des services, proposent à leurs clients un prix unique et cohérent, couvrent leurs coûts de façon pérenne sans rien attendre des dons ou d'une aide gouvernementale. Ce sont des affaires qui tournent, s'équilibrent, ne dépendant pas de la charité. Leur particularité ? Elles se destinent à créer un bénéfice social pour une catégorie de population. Ce peut être, par exemple, produire une alimentation de qualité destinée aux enfants pauvres en se débarrassant de tous les coûts d'emballage luxueux et la publicité des aliments classiques. Ou encore commercialiser des polices d'assurance-maladie permettant aux plus démunis d'accéder à des soins médicaux. Ou bien se consacrer au recyclage des ordures et des eaux usées qui polluent un quartier où vivent les laissés-pour-compte. Regardez autour de vous, vous trouverez partout de quoi monter un social-business. Sans doute faudrait-il en imaginer un qui puisse aider les familles poussées à la rue par la crise des subprimes.

    Propos recueillis par Frédéric Joignot

  • LE SYSTEME ANTIMISSILE DES ETATS-UNIS : TOTALEMENT INUTILE ET TRES DANGEREUX !

     

    1. Qu’est-ce qu’un système antimissile ?

    protiletadlova_zakladna.jpgUn système antimissile a pour objectif de protéger un territoire ou des troupes opérant sur des théâtres extérieurs, en étant capable de stopper tout missile balistique (de courte, moyenne et longue portée) lancé par un adversaire. Nous détaillerons un peu plus tard le fait qu’un tel dispositif n’est pas uniquement défensif, mais s’inscrit comme une composante importante d’une stratégie offensive.

    Un bouclier antimissile fait intervenir diverses fonctions :

    - L’alerte, obtenue grâce à la combinaison de moyens spatiaux, aériens et terrestres, capable de détecter le tir d’un missile.

    - La poursuite, consistant à prédire la trajectoire d’un missile lancé, y compris son point d’impact.

    - L’interception et l’anéantissement d’un missile lancé, pouvant être effectuées par des missiles transportant des véhicules conventionnels ou même nucléaires.


    2 Historique

    En 1983, Ronald Reagan lance l’Initiative de Défense Stratégique (IDS). Il s'agissait d'un projet pharaonique de réseau de satellites destiné à détecter et détruire des missiles balistiques lancés contre les Etats-Unis. L’Union soviétique était bien entendu visée par ce projet.

    Au tout début des années 1990, après l’éclatement de l’Union soviétique, l’administration Bush entame, puis celle de Bill Clinton entérine l’abandon de l’IDS et oriente ensuite ses efforts vers le développement de programmes d’un système antimissile centrés sur la protection des forces en opération extérieure (Theater Missile Defense). En janvier 1999, Bill Clinton finit néanmoins par réactiver le projet de défense du territoire américain, sous le nom de National Missile Defense.

    En 2001, Georges Bush décide d’accélérer le programme de défense antimissile (avec tout de même des ambitions et des moyens réduits par rapport à l’IDS), rebaptisé « Ballistic Missile Defense System » (BMDS). Dans ce but, Washington se retire unilatéralement, en été 2002, du traité « Anti Ballistic Missiles » (ABM). Ce traité prohibait toute défense antimissile couvrant respectivement la totalité des territoires russe et américain.


    3 Etat actuel du système antimissile des Etats-Unis et évolutions

    protiletadlova_zakladna2.jpgLa configuration actuelle du système antimissile des Etats-Unis est dans un état embryonnaire. Elle est constituée aujourd’hui de 24 intercepteurs antimissile, implantés en Alaska et en Californie, et de divers capteurs (radars, satellites …installés aux Etats-Unis, au Groenland et en Grande-Bretagne).

    Une extension du bouclier antimissile des Etats-Unis est prévue en Europe centrale : un radar de détection en République tchèque et un site de dix missiles intercepteurs en Pologne. Le dispositif déployé en Europe central devrait être complété par un autre radar. Il sera installé sur un site encore indéterminé mais de toute façon proche de l’Iran (la Turquie, le Caucase ou la région de la mer caspienne sont évoqués). Ces installations pourraient être opérationnelles en 2013.

    Le système, une fois achevé (54 missiles intercepteurs : 44 aux Etats-Unis et 10 en Europe), devrait être capable de stopper tout missile balistique dirigé contre les Etats-Unis, leurs alliés ainsi que les troupes américaines déployées sur des théâtres extérieurs.


    4 Les véritables motivations des Etats-Unis

    L’administration américaine justifie officiellement son système de défense antimissile pour se protéger contre la menace de missiles iraniens de longue portée. Pourtant, aujourd’hui, l’Iran ne dispose d’aucune capacité concrète en termes de missiles intercontinentaux. Pour atteindre la côte Est des Etats-Unis, l’Iran devrait se doter d’engins balistiques d’une portée d’au moins 10000 kilomètres, ce qui demande non seulement beaucoup de temps mais également une assistance étrangère. Enfin, même si l’Iran venait à posséder une telle capacité, s’en prendre aux Etats-Unis ou à l’un de ses alliés de l’OTAN serait totalement suicidaire, compte tenu des capacités de rétorsion de la part des Etats-Unis qui conduiraient à rayer immédiatement l’Iran de la carte du monde.

    En réalité, le bouclier antimissile n’est qu’une composante et le prolongementd’une stratégie offensive et agressive globale visant le maintien et l’accentuationde la domination desEtats-Unis sur le reste du monde , notamment vis-à-vis de la Russie, « héritier » du vieil ennemi soviétique, et de la Chine, la première puissance économique mondiale en devenir.

    Le système antimissile est présenté par les Etats-Unis comme non agressif et purement défensif. En vérité, il constitue un atout primordial et un avantage considérable sur ses adversaires potentiels en cas de conflit, en particulier en cas de volonté d’engager les hostilités. En effet, après avoir lancé une première frappe sur l’adversaire, les Etats-Unis activeraient son bouclier antimissile de manière à stopper une éventuelle salve de rétorsion. Par conséquent, les Etats-Unis ne seraient donc pas limités dans ses attaques et ses intentions hégémoniques par le risque de représailles qu’ils subiraient. L’existence d’un tel système antimissile est donc en rupture totale avec « l’équilibre » des forces, qui permet de « limiter » l’arme nucléaire dans un rôle de dissuasion.

    Par ailleurs, la Nuclear Posture Review, révision périodique de la stratégie nucléaire des Etats-Unis, de 2001 présente explicitement le bouclier antimissile comme un support essentiel de projets offensifs :

    · Protéger les capacités de frappes offensives.

    · Soutenir les forces américaines dans le cadre de la projection de puissance.

    · Supporter une capacité de contre-attaque.

    Le dispositif antimissile des Etats-Unis ne peut être compris que dans un contexte global, où sont précisées les autres décisions et actions de l’administration américaine dans le domaine militaire, notamment nucléaire.

    Depuis quelques années, la doctrine nucléaire américaine a été modifiée fondamentalement. Elle vise désormais à développer des stratégies de plus en plus offensives et agressives, tournant le dos au concept de dissuasion, et à utiliser l’arme nucléaire directement sur des champs de bataille, y compris contre des Etats « non nucléaires ». Dès 1997, Les Etats-Unis ont élargi, par l’intermédiaire d’une directive signée par Bill Clinton, les options de l’utilisation des armes nucléaires contre des Etats dits « voyous ». La Nuclear Posture Review de 2001 désigne ouvertement la Corée du Nord, l’Irak, l’Iran, la Libye et la Syrie, voir la Russie et la Chine, comme des menaces, face auxquelles il sera éventuellement nécessaire d’avoir recours directement à l’arme nucléaire de manière préventive.

    Cette stratégie opérationnelle a été accompagnée par la modernisation et le renouvellement de l’arsenal nucléaire américain, totalement adapté à des missions offensives (précision accrue, charges nucléaires réduites, mélange de charges conventionnelles et nucléaires, portées augmentées par des missiles basés à terre ou sur sous-marins).

    A la lumière de ces éléments, il apparaît clairement que le bouclier antimissile n’est qu’une composante d’un dispositif offensif intégré, au service de la suprématie des Etats-Unis sur le reste du monde.


    5 Les conséquences

    protiletadlova_zakladna3.jpgLe développement d’un système antimissile par les Etats-Unis aura et a d’ores et déjà des conséquences dramatiques. En incitant de nombreux Etats à s’armer davantage dans une course à l’armement, notamment balistique et nucléaire, sans fin, il réduira à néant tous les efforts engagés en matière de désarmement.

    Ayant conscience de l’avantage indéniable pris par les Etats-Unis avec son bouclier antimissile, la Russie n’a pas tardé à réagir. Elle a tout d’abord bloqué tout progrès par rapport au Traité sur les forces conventionnels en Europe de 1990. Surtout, elle a laissé planer une éventuelle dénonciation du traité américano-soviétique INF de 1987 sur les missiles nucléaires de portée intermédiaire, provoquant de graves inquiétudes.

    Concernant la course aux armements, des Etats vont se doter d’un maximum de missiles nucléaires continentaux afin de pouvoir « saturer » ou « contourner » le bouclier antimissile américain. La modernisation en cours des missiles balistiques intercontinentaux par la Russie est justement poursuivie avec comme objectif, ouvertement affiché, l’affolement du système antimissile américain. Par ailleurs, la Russie vise le doublement de ses dépenses militaires pour les huit années à venir.

    Sans le faire de manière aussi théâtrale que la Russie, la Chine a lancé depuis quelques années un programme de modernisation de sa force nucléaire et de sa marine militaire.

    La course aux armements va s’accélérer très rapidement sous l’effet d’un processus d’actions - réactions successives. Par exemple, la Russie devrait modifier le missile de courte portée, l’Iskander, de manière à cibler les sites, en République tchèque et en Pologne, devant accueillir le système antimissile américain (sa portée devrait passer de 280 à 500 Km). En réaction, le gouvernement polonais a revendiqué la mise à disposition du système Patriot, conçu pour stopper des vecteurs de courte portée. Il convient également de souligner que le bouclier antimissile américain est évolutif et multi – étages, ce qui signifie que le nombre de missiles intercepteurs pourra être augmenté ultérieurement sans aucune difficulté.

    Monde Sans Guerres France, avril 2008.

  • LETTRE OUVERTE AU SENAT DE LA REPUBLIQUE DU CHILI

    Santiago, le 7 avril 2008

    A l’attention de Monsieur
    Adolfo Zaldivar,
    Président du Sénat

    et des Sénateurs Alberto Espina, Soledad Alvear, Hernán Larraín, José Antonio Gómez, Commission de Constitution, Légalisation et Justice du Sénat

     

    Avec notre considération,

    Nous avons pris connaissance du fait que la Commission de Constitution du Sénat est en train de remettre en question, précipitamment, une éventuelle RECONNAISSANCE CONSTITUTIONNELLE des peuples indigènes, sur la base de 3 projets de réforme présentés respectivement par la Présidente de la République, par les sénateurs de l’Alliance pour le Chili et par les députés de la concertation (Bulletin 5522, 5324 et 4069)

    Face à cette situation, nous les organisations signataires (ci-dessous), signalons que

    1 – NOUS DENONCONS LE PROCEDE mis en oeuvre par le Sénat, consistant à discuter une question législative qui nous concerne directement, sans effectuer le moindre processus de consultation et de participation préliminaire des organisations des peuples originaires. Ce procédé “hors consultation” enlève toute légitimité à votre questionnement sur la réforme constitutionnelle.

    Nous avertissons les parlementaires que ce procédé “hors de toute consultation” transgresse les dispositions de la convention 169 de l’OIT, récemment approuvée par le Congrès, à savoir :

    Article 6 : en appliquant les dispositions de la présente convention, les gouvernements devront :
    a) consulter les peuples intéressés, au travers de procédés appropriés et en particulier à travers leurs institutions représentatives, chaque fois que des mesures législatives ou administratives sont prévues, mesures susceptibles de les affecter directement.

    Nous vous rappelons que cette norme est auto exécutable et engage directement le Congrès. C’est grâce à cette norme que la Convention 169 dut être approuvée par un Quorum constitué de lois organiques constitutionnelles.

    Nous vous rappelons qu’en accord avec la Convention de Vienne sur le droit des Traités (Article 18) l’Etat a “l’obligation de ne pas interférer sur l’objet et le but d’un Traité avant son entrée en vigueur. Un Etat devra s’abstenir de générer des actes qui interférent sur l’objet et le but d’un Traité”.

    Nous exhortons le Sénat à remplir de bonne foi les obligations de la Convention 169 de l’OIT, récemment approuvée.

    2 – PAR RAPPORT AUX 3 PROJETS REMIS EN QUESTION, NOUS EXPRIMONS NOTRE REJET CATEGORIQUE quant à leur contenu et message d’introduction, du au fait que,

    a) les 3 projets ignorent nos DROITS COLLECTIFS en tant que peuple, -droits politiques, territoriaux, linguistiques, économiques, sociaux et culturels- lesquels existent déjà en tant qu’instruments internationaux des droits humains dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples indigènes, les Traités des droits de l’homme et la Convention 169 elle-même.

    b) Les 3 projets ignorent la PREEXISTANCE des peuples, antérieurs à la formation de l’Etat et de la nation chilienne.

    c) Les 3 projets nient notre condition de nations originaires.

    d) Nous ajoutons que le projet de l’exécutif fait une affirmation totalitaire en postulant que les peuples indigènes “ne constituent pas un collectif antérieur autonome entre les individus et l’Etat”. Cette affirmation est inacceptable dans une démocratie, en plein XXIe siècle.

    3 - NOUS EXHORTONS LE SENAT A SUSPENDRE CE PROCEDE IRREGULIER, à retirer et à archiver les 3 projets de reconnaissance constitutionnelle sus-mentionnés.

    Nous signalons que nous, peuples indigènes, sommes disposés à participer à un processus de dialogue constructif, afin de nous mettre d’accord sur une réforme constitutionnelle, à condition que notre participation réelle soit garantie. Une réforme constitutionnelle qui reconnaisse la préexistence de nos peuples et où soient prémunis nos DROITS COLLECTIFS – droits politiques, territoriaux, de langue, économiques, sociaux et culturels, reconnus et protégés par le droit international en matière de droits humains.

    Veuillez agréer, Mesdames, Messieurs, l’expression de nos sentiments distingués.

    ORGANISATIONS SIGNATAIRES

    Organización Mapuche Meli Wixan Mapu

    Consejo Nacional Aymara Mallkus y T´allas

    Asociación Lickan Antai Ckausama

    Comunidad Huilliche Lafkenche Pepiukelen

    Consejo Indígena Urbano de Valparaíso

    Red de Derechos Educativos y Lingüísticos

    Corporación Aymara J´acha Marka Aru

    Centro de las Culturas

    Centro de Políticas Públicas

    Asociación Aymara Inti Marka

    Asociación Cultural Andino Thuquri

    Comunidad de Desarrollo Humano

    Comité de Defensa del Mar

    Asociación de Profesores Wnelfe

    Asociación Meli Rewe

    Comunidad Toconao San Pedro de Atacama.

    Wallmapuwen, Partido Mapuche

    Centro de Documentación Mapuche Ñuke Mapu

    Comunidad Aatacameña San francisco de Chiu Chiu

    Red para la Participación Indigena, Calama

    Coordinadora nacional de ex Presos Politicos

    Red Humanista de Trabajo Social

    Hayin-Ray Antileo Navarrete Meli Wixan Mapu – Suiza

    Comision de Apoyo a los Pueblos originarios de Chile - Ginebra- Suiza

    COTE D’IVOIRE

    Centre Humaniste des Cultures - Abidjan

    FRANCE

    ACH Action et Communication humaniste

    Association Cyplien (Journal Le Raffut) - Toulouse

    Association Divers’Cité

    Association EURAFRICA - Saint Etienne

    Association Femmes France

    Association La voix des Cultures

    Association Migr’action

    Association Réciprocité

    Association Volontaires sans Frontières

    Association Won Tanara

    Centre d’Etudes Humanistes de Paris

    Centre des Cultures d’Ile de France

    Centre des Cultures de Marseille

    GAIA collectif Anti libéral - Saint Chamond

    Humanistes 93

    La Communauté pour le développement humain

    Maison de la Non-Violence Active

    Monde Sans Guerres

    Parti Humaniste France

    Réseau humaniste non-violent