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AUTRE CHANGEMENT : FINANCIER, MORAL, ETC - Page 38

  • VIIe SOMMET DE L'ALBA (ALTERNATIVA BOLIVARIANA PARA LAS AMERICAS)

    "Nous voulons un monde où tous les pays,
    grands et petits, peuvent avoir
    les mêmes droits et
    où il n'existe pas d'empires
    "

    Le Vème sommet des Amériques (de l'OEA), et celui occulté, le VIIème sommet de l'Alternative Bolivarienne pour les peuples de notre Amérique (ALBA) a réuni la Bolivie, Cuba, le Vénézuela, la Dominique, l'Equateur, l'Honduras, le Paraguay, Saint-Vincent-et-les-Grenadines et a pu compter sur la présence de Miguel d'Escotto – Président de l'Assemblée Générale de l'ONU*.

    ALBA.jpg

    Document des pays de l'Alternative Bolivarienne pour les Peuples de Notre Amérique (ALBA) pour le Vème Sommet des Amériques.

    Cumanà, 17 avril 2009

     

    ALBA2.jpgNous Chefs d'Etat et de gouvernement de Bolivie, Cuba, Dominique, Honduras, Nicaragua et Vénézuela, pays membres de l'ALBA, considérons que le projet de Déclaration du Vème sommet des Amériques est insuffisant et inacceptable pour les raisons suivantes :

    - Il n'offre pas de réponse à la Crise Economique Mondiale, bien que celle-ci constitue le plus grand défi que l'Humanité ait eu à affronter au cours des dernières décennies et, actuellement, la plus grande menace existante au bien-être des peuples.

    - Il exclut injustement Cuba, sans évoquer d'ailleurs le consensus général qui existe dans la Région pour condamner le Blocus et les tentatives d'isolement dont Cuba, son peuple et son gouvernement ont été continuellement l'objet et ce de manière criminelle.

    Pour ces raisons, nous pays membres de l'ALBA, considérons qu'il n'existe pas de consensus pour adopter un projet de déclaration et qu'en fonction de ce qui a déjà été explicité, nous proposons de tenir un débat de fond sur les sujets suivants :

    1. Le capitalisme est en train de détruire l'Humanité et la planète. Ce que nous vivons en ce moment est une crise économique mondiale systèmique et structurelle et non simplement une crise cyclique de plus. Ceux qui pensent qu'il suffit d'injecter de l'argent dans le système ou d'adopter quelques mesures régulatrices pour sortir de cette crise se trompent lourdement.
    Le système financier est en crise car il donne aux actifs financiers une valeur six fois supérieure à la valeur réelle des biens et services qui sont produits dans le monde. Ceci n'est pas un “défaut de régulation du système”, mais fait partie intégrante du système capitaliste qui spécule avec tous les biens et toutes les valeurs afin d'obtenir le plus grand profit possible. Jusqu'à présent, la crise économique a provoqué l'apparition de 100 millions d'affamés en plus et plus de 50 millions de nouveaux chômeurs, et ces chiffres tendent à augmenter.

    2. Le capitalisme a provoqué la crise écologique en soumettant les conditions nécessaires à la vie sur terre à l'empire du marché et du profit
    . Chaque année, on consomme un tiers de plus que ce que la planète est capable de régénérer. A ce rythme de gaspillage du système capitaliste, ils nous faudrait une deuxième planète d'ici 2030.

    3. La crise économique mondiale, la crise du changement climatique, la crise alimentaire et la crise énérgétique sont les produits de la décadence du capitalisme qui menace d'en finir avec l'existence même de la vie et de la planète. Pour éviter une telle fin il est nécessaire de développer un modèle alternatif au système capitaliste.

    - Un système basé sur la solidarité et la complémentarité, plutôt que sur la concurrence

    - Un système en harmonie avec notre mère la Terre, et non de pillage des ressources naturelles

    - Un système de diversité culturelle et non d'écrasement des cultures qui impose des valeurs culturelles et des styles de vie étrangers à la réalité de nos pays.

    - Un système de paix basé sur la justice sociale plutôt que sur des politiques et des guerres impérialistes.

    En somme, un système qui retrouve la dimension humaine de nos sociétés et des peuples, et ne les réduisent pas à de simples consommateurs et à de simples marchandises.

    4. Comme expression concrète de la nouvelle réalité du continent, les pays latino-américains et des Caraibes, nous avons commencé à construire nos propres institutions, qui plongent leurs racines dans notre histoire commune qui remonte à la révolution indépendantiste, et qui constituent un outil concret pour l'approfondissement des processus de transformation sociale, économique et culturelle qui permettront de conforter notre pleine souveraineté. L'ALBA-TCP, Petrocaribe ou l'UNASUR, pour en citer que les créations les plus récentes, sont des mécanismes de solidarité créés dans le feu de ces transformations, avec l'intention manifeste de renforcer les efforts de nos peuples pour parvenir à leur propre libération.

    Pour contrer les graves effets de la crise économique mondiale, nous pays de l'ALBA-TCP avons pris des mesures innovantes et transformatrices, qui cherchent à trouver de réelles alternatives à l'ordre économique international défaillant et non à renforcer ses institutions qui se sont écroulés.

    Ainsi, nous avons mis en place un Système Unique de Compensation Régionale, le SUCRE, qui comprend une unité de compte commune, une Chambre de compensation des paiements et un système unique de réserves.

    Nous avons également soutenu la constitution d'entreprises transnationales pour répondre aux besoins fondamentaux de nos peuples, en établissant des mécanismes de commerce équitables et complémentaires, qui écarte la logique absurde de la concurrence éffrénée.

    5. Nous critiquons le G20 pour avoir triplé les ressources du FMI, alors que ce qui est rééllement nécessaire est de mettre en place un nouvel ordre économique mondial, qui comprenne la transformation totale du FMI, de la Banque Mondiale et de l'OMC, qui avec leurs orientations néolibérales ont contribué au déclenchement de cette crise économique mondiale.

    6. Des réponses à la crise économique mondiale et la définition d'une nouvelle architecture financière internationale, doivent être adoptées par les 192 pays qui participeront, du 1 au 3 juin, à la Conférence sur la crise financière internationale des Nations Unies, qui se propose de poser les bases d'un nouvel ordre économique international.

    7. En ce qui concerne la crise du changement climatique, les pays développés ont une dette écologique envers le monde, étant responsables de 70% des émissions historiques de carbone accumulées dans l'atmosphère depuis 1750.

    Les pays développés, endettés vis-à-vis de l'humanité et de la planète, doivent contribuer de manière significative à un fonds pour les pays en voie de développement afin que ceux-ci puissent s'engager sur la voie d'un modèle de croissance qui ne répète pas les mêmes erreurs et n'aient pas les graves impacts qu'a eu l'industrialisation capitaliste.

    8. Les réponses aux crises énergétique, alimentaire, et du changement climatique doivent être intégrales et interdépendantes. Nous ne pouvons pas résoudre un problème en en créant d'autres dans des domaines fondamentaux pour la vie. Par exemple, généraliser l'utilisation des biocarburants ne peut qu'avoir des conséquences négatives sur les prix des aliments et sur l'usage des ressources essentielles telles que l'eau, la terre et les forêts.

    9. Nous condamnons la discrimnation des migrants sous quelque forme que ce soit. La migration est un droit de l'Homme, pas un délit. En conséquence, nous demandons une réforme urgente des politiques migratoires des Etats-Unis, avec comme objectif de mettre fin aux déportations et aux rafles de masse, permettre la réunification des familles, et nous réclamons la suppression du mur qui nous sépare et nous divise au lieu de nous unir.

    Dans la même idée, nous demandons l'abrogation de la Loi d'Ajustement Cubain et la suppression de la politique des Pieds Secs/Pieds mouillés discriminatoire et sélective, responsable de la perte de nombreuses vies humaines.

    Les vrais responsables de la crise sont les banquiers qui ont volé l'argent ainsi que les ressources de nos pays et non les travailleurs migrants.

    Les droits de l'Homme viennent avant tout, et en particulier les droits de l'Homme dans le secteur le plus vulnérable et le plus marganisalisé de nos sociétés, c'est-à-dire les immigrés sans papiers.

    Pour qu'il y ait intégration, il faut qu'il y ait libre circulation des personnes et respect des droits de l'Homme, égaux pour tous, indépendemment du statut d'immigrant. La fuite des cerveaux constitue une forme de pillage des ressources humaines qualifiées exercée par les pays riches.

    10. Les services de base en ce qui concerne l'éducation, la santé, l'eau, l'énergie et les télécommunications doivent être déclarés comme faisant partie des droits de l'Homme et en pouvant être ni l'objet d'une appropriation privée ni d'une marchandisation par le biais de l'OMC. Ces services sont et doivent être essentiellement des services publics accessibles à tous.

    11. Nous voulons un monde où tous les pays, grands et petits, peuvent avoir les mêmes droits et où il n'existe pas d'empires. Nous sommes pour la non-ingérence. Renforcer, comme seul canal légitime pour la discussion et l'analyse des programmes bilatéraux et multilatéraux sur le continent, comme base, le respect mutuel entre Etats et gouvernements, au nom du principe de non-ingérence d'un Etat dans les affaires internes d'un autre Etat et l'inviolabilité de la souveraineté et du droit à l'auto-détermination des peuples.

    Nous demandons au nouveau gouvernement des Etats-Unis, dont l'arrivée a créé certaines attentes dans la Région et dans le monde, qu'il mette fin à la longue et néfaste tradition d'interventionnisme et d'agression qui a caractérisé l'action des gouvernement de ce pays pendant toute l'histoire, bien qu'elle ait été renforcée au cours des mandats de George W.Bush.

    De la même manière, nous demandons qu'il mette fin aux pratiques interventionnistes telles que les opérations secrètes, la diplomatie parallèle, les guerres médiatiques pour déstabiliser les Etats et les gouvernements, et le financement des groupes déstabilisateurs. Il est fondamental de construire un monde où est reconnue et respectée la diversité des visions économiques, politiques, sociales et culturelles.

    En ce qui concerne le Blocus des Etats-Unis contre Cuba et l'exclusion de ce pays du Sommet des Amériques, nous, pays de l'ALBA, réaffirmons la Déclaration que tous les pays d'Amérique Latine et des Caraïbes ont adopté le 16 décembre 2008 sur la nécessité de mettre fin au blocus économique, commercial et financier imposé par le gouvernement des Etats-Unis d'Amérique envers Cuba, et y compris l'application de la loi Helms-Burton, et dont les points fondamentaux sont :

    CONSIDERANT les résolutions approuvées par l'Assemblée Générale des Nations Unies sur la nécessité de mettre fin au blocus économique, commercial et financier imposé par les Etats-Unis contre Cuba, et les résolutions qui ont été adoptées sur le sujet dans de nombreuses réunions internationales.


    Nous AFFIRMONS qu'au nom du libre-échange et de la transparence du commerce international, ont été mises en place de manière inacceptable des mesures coercitives unilatérales qui portent atteinte au bien-être des peuples et font obstacle au processus d'intégration.

    Nous REFUSONS de la manière la plus energique qui soit l'application des lois et mesures contraires au Droit International comme la loi Helms-Burton et nous exhortons le gouvernement des Etats-Unis à mettre fin à son application.

    “Nous DEMANDONS au gouvernement des Etats-Unis de se conformer aux dispositions des 17 résolutions approuvées par l'Assemblée Générale des Nations Unies et de mettre fin au blocus économique, commercial et financier qu'il maintient contre Cuba.

    Par ailleurs, nous considérons que toutes les tentatives d'imposer l'isolement de Cuba ont été des échecs, alors qu'elle fait aujourd'hui partie intégrante de la Région Latino-Américaine et des Caraibes, est membre du Groupe de Rio et d'autres organisations et mécanismes régionaux, développe une politique de coopération et de solidarité avec les pays de la région, défend la pleine intégration des peuples latinoamericains et caribéens, par conséquent, il n'existe aucune raison qui puisse justifier son exclusion du mécanisme du Sommet des Amériques.


    12. Les pays développés ont consacré pas moins de 8 milliards de dollars au sauvetage de la structure financière qui s'est écroulée. Ce sont les mêmes qui ne respectent pas leurs engagements vis-à-vis des objectifs chiffrés, modestes, des Mesures du Millénaire ou les 0,7% du PIB pour l'Aide Officielle au Développement. Jamais auparavant n'est apparue aussi clairement toute l'hyporcrisie du discours des pays riches. La coopération devrait s'établir sans conditions et s'adapter à la situation des pays récepteurs en simplifiant les procédures, en rendant accessibles immédiatement les ressources et en privilégiant la question de l'inclusion sociale.

    13. La lutte légitime contre le narcotrafic et le crime organisé, et contre n'importe quelle autre des prétendues “nouvelles menaces” ne doit pas être utilisée comme une excuse pour mener des activités d'ingérence et d'intervention contre nos pays.

    14. Nous sommes fermement convaincus que le changement, que le monde entier espère, peut seulement venir de l'organisation, la mobilisation et l'unité de nos peuples.

    Comme l'affirmait le Libérateur : L'unité de nos peuples n'est pas une simple chimère des hommes, mais l'inexorable décret du destin”

    http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/article-30610279.html

    * Dans le sommet de l'ALBA – qui s'est situé aux antipodes des conclusions du G20 – la manière dont les principales puissances capitalistes évitent les discussions sur les vraies raisons de la crise et les solutions concrètes à apporter – se limitant à des forums internationaux qu'ils contrôlent – a reçu de la part du Président de l'Assemblée Générale de l'ONU une réponse cinglante: « L'Organisation des Nations Unies est une dictature ». « Ceux qui n'ont que le mot démocratie à la bouche quand il s'agit d'avancer des propositions pour les autres pays » sont ceux qui « mettent tous les obstacles possibles et imaginables pour empêcher la démocratisation de l'ONU », concluant son intervention avec une annonce d'une très grande importance, la tenue de la Conférence mondiale de l'ONU sur la crise financière, approuvée par consensus lors de l'Assemblée Générale du 7 avril, sur proposition du Vénézuela.

    ALBA3.jpg

  • DIX QUESTIONS SUR LA CRISE POSEES A MICHEL COLLON

    1. « SUBPRIMES » ?

    Le point de départ est une véritable escroquerie. Les banques occidentales ont gagné énormément d'argent sur le dos de ménages US en grande difficulté à qui on extorquait des remboursements exagérés. En se disant que s'ils ne parvenaient pas à rembourser, on raflerait leur maison pour une bouchée de pain.

    2. SEULEMENT UNE CRISE BANCAIRE ?

    Pas du tout. Il s'agit d'une véritable crise économique qui démarre par le secteur bancaire, mais dont les causes sont bien plus profondes. En réalité, toute l'économie US vit à crédit depuis plus de trente ans. Les entreprises s'endettent au-delà de leurs moyens, l'Etat s'endette au-delà de ses moyens (pour faire la guerre), et on a systématiquement poussé les particuliers à s'endetter, seul moyen de maintenir artificiellement une croissance économique.

    3. LA CAUSE PROFONDE ?

    Pas question de l'indiquer dans les médias traditionnels. Pourtant, les subprimes ne sont que la pointe de l'iceberg, la manifestation la plus spectaculaire d'une crise générale de surproduction qui frappe les Etats-Unis, mais aussi les pays occidentaux. Si le fin du fin pour une multinationale consiste à licencier des travailleurs en masse pour faire faire le même travail par moins de gens, si en plus on baisse les salaires par toutes sortes de mesures et avec l'aide de gouvernements complices, à qui donc ces capitalistes vendront-ils leurs marchandises ? Ils n'ont cessé d'appauvrir leurs clients !

    4. JUSTE UNE CRISE A SURMONTER ?

    L'Histoire montre que le capitalisme est toujours allé d'une crise à l'autre. Avec de temps en temps, une «bonne guerre» pour en sortir (en éliminant des rivaux, des entreprises, des infrastructures, ce qui permet ensuite une jolie «relance»). En réalité, les crises sont aussi une phase dont les plus gros profitent pour éliminer ou absorber les plus faibles. Comme à présent dans le secteur bancaire US ou avec BNP qui avale Fortis (et ça ne fait que commencer). Seulement, si la crise renforce la concentration du capital aux mains d'un nombre toujours plus petit de multinationales, quelle sera la conséquence ? Ces super-groupes auront encore plus de moyens d'éliminer ou appauvrir la main d'oeuvre pour se faire une concurrence encore plus forte. Donc, retour à la case départ.

    5. UN CAPITALISME MORALISE ?

    Ca fait cent cinquante ans qu'on le promet. Même Bush et Sarkozy s'y mettent. Mais en réalité c'est aussi impossible qu'un tigre végétarien ou un nuage sans pluie. Car le capitalisme repose sur trois principes :

    1. La propriété privée des grands moyens de production et de financement. Ce ne sont pas les gens qui décident, mais les multinationales.

    2. La concurrence : gagner la guerre économique, c'est éliminer ses rivaux.

    3. Le profit maximum : pour gagner cette bataille, il faut réaliser un taux de profit non pas «normal et raisonnable», mais un taux de profit maximum qui permet de distancer ses concurrents. Le capitalisme, c'est donc bien la loi de la jungle, comme l'écrivait déjà Karl Marx : «Le Capital a horreur de l'absence de profit. Quand il flaire un bénéfice raisonnable, le Capital devient hardi. A 20%, il devient enthousiaste. A 50%, il est téméraire; à 100%, il foule aux pieds toutes les lois humaines et à 300%, il ne recule devant aucun crime.» (Le Capital, chapitre 22).

    6. SAUVER LES BANQUES ?

    Bien sûr, il faut protéger les clients des banques. Mais ce que l'Etat fait en réalité, c'est protéger les riches et privatiser les pertes. L'Etat belge, par exemple, n'avait pas cent millions d'euros pour aider les petites gens à maintenir leur pouvoir d'achat, mais pour sauver les banques il trouve cinq milliards en deux heures. Des milliards que nous devrons rembourser. Ironie du sort : Dexia était une banque publique et Fortis a avalé une banque publique qui tournait très bien. Grâce à quoi ses dirigeants et actionnaires ont réalisé de juteuses affaires pendant vingt ans. Et maintenant que ça va mal, leur demande-t-on de payer les pots cassés avec les milliards qu'ils ont mis de côté ? Non, on nous demande à nous !

    7. LES MEDIAS ?

    Loin de nous expliquer tout ça, ils mettent l'accent sur des aspects secondaires. On nous dit qu'il faudra chercher les erreurs, les responsables, combattre les excès et bla bla bla. Or, il ne s'agit pas des erreurs de tel ou tel, mais d'un système. Cette crise était inévitable. Les sociétés qui s'écroulent sont les plus faibles ou les plus malchanceuses. Celles qui survivent, en acquerront encore plus de pouvoir sur l'économie et sur nos vies.

    8. LE NEOLIBERALISME ?

    La crise a été non pas provoquée mais accélérée par la mode néolibérale de ces vingt dernières années. Or, ce néolibéralisme, les pays riches ont prétendu l'imposer de force dans tout le tiers-monde. Ainsi, en Amérique Latine, que je viens d'étudier en préparant mon livre "Les 7 péchés d'Hugo Chavez", le néolibéralisme a plongé des millions de gens dans la misère. Mais l'homme qui a lancé le signal de la résistance, l'homme qui a démontré qu'on pouvait résister à la Banque Mondiale, au FMI et aux multinationales, l'homme qui a montré qu'il fallait tourner le dos au néolibéralisme pour réduire la pauvreté, cet homme-là, Hugo Chavez, les médias ne cessent de le diaboliser à coups de médiamensonges et de ragots. Pourquoi ?

    9. LE TIERS-MONDE ?

    On nous parle uniquement des conséquences de la crise dans le Nord. En réalité, tout le tiers-monde en souffrira gravement du fait de la récession économique et de la baisse des prix des matières premières qu'elle risque d'entraîner.

    10. L'ALTERNATIVE ?

    En 1989, un célèbre auteur US, Francis Fukuyama, nous annonçait «la Fin de l'Histoire» : le capitalisme avait triomphé pour toujours, prétendait-il. Il n'a pas fallu longtemps pour que les «vainqueurs» se cassent la figure. En réalité, l'humanité a bel et bien besoin d'un autre type de société. Car le système actuel fabrique des milliards de pauvres, plonge dans l'angoisse ceux qui ont la «chance» (provisoire) de travailler, multiplie les guerres et ruine les ressources de la planète. Prétendre que l'humanité est condamnée à vivre sous la loi de la jungle, c'est prendre les gens pour des cons. Comment faut-il concevoir une société plus humaine, offrant un avenir décent à tous ? Voilà le débat qu'il nous incombe à tous de lancer. Sans tabous.

    Vous pouvez envoyer vos questions et commentaires à :
    michel.collon@ skynet.be
    Plusieurs articles sur la crise à : www.michelcollon.info

  • MUHAMMAD YUNUS : "LE SYSTEME EST AVEUGLE A TOUTE AUTRE CONSIDERATION QUE LE PROFIT"

    LE MONDE 2 | 25.04.08 | 11h19 • Mis à jour le 25.04.08 | 14h51

    MOHAMED YNUS.jpg
    REUTERS/RAFIQUR RAHMAN

    Depuis plus de trente ans, Muhammad Yunus propose, avec un réel succès, l'accès au crédit pour les plus démunis. A l'heure de la crise du système bancaire et des émeutes de la faim, l'économiste bangladais, Prix Nobel de la paix en 2006, pointe les limites et les failles du capitalisme, et préconise un modèle d'entreprise sociale, qui n'exclurait plus de la vie économique la majeure partie de l'humanité.

    Elle s'appelait Sufiya Begum. Au début des années 1980, elle vivait dans une maison de terre, à la campagne, au Bangladesh. Elle fabriquait de jolis tabourets en bambou. Son mari, journalier, gagnait l'équivalent de quelques centimes d'euros par jour. Ne possédant pas 'argent, Sufiya Begum vendait tous ses tabourets à un commerçant, qui les lui échangeait contre 25 cents et un peu de bambou – c'était son prix. Un jour, Muhammad Yunus vient la trouver, étonné qu'elle gagne si peu. A cette époque, après des études économiques aux Etats-Unis, le professeur Yunus doute.

    En 1974-1975, le Bangladesh a été ravagé par une terrible famine, et, raconte-t-il, il trouvait alors " de plus en plus difficile d'enseigner d'élégantes théories économiques sur le fonctionnement supposé parfait des marchés libres, tandis que la mort ravageait [son] pays.". Il décide d'agir, bien déterminé à endiguer la pauvreté dans la région de Jobra. Il ne comprend pas pourquoi elle est endémique. En discutant avec Sufiya Begum, il réalise ce qu'il se passe. "Cette femme était étranglée par son prêteur. Il la condamnait à une sorte d'esclavage. Elle lui donnait toute sa collection de tabourets pour 25 cents, juste parce qu'elle ne pouvait acheter le bambou. Il lui manquait un crédit. J'ai mené une enquête. Quarante-deux villageois dépendaient des prêteurs. Tous auraient pu vivre de leur activité, avec un petit investissement. Il leur fallait, en tout, 27 dollars. Je les avais en poche… " Les idées fondatrices de la Grameen Bank et du microcrédit sont nées de ces rencontres.

    Aujourd'hui, après vingt-cinq ans d'existence, la Grameen Bank et les institutions de microcrédit à travers le monde ont aidé à sortir de la pauvreté 150 millions de personnes. Le professeur Yunus a obtenu, avec la Grameen Bank, le prix Nobel de la paix en 2006. Depuis plusieurs années, il développe une nouvelle initiative : l'" entreprise sociale ". Il s'agit de lancer des activités économiques rentables mais dont l'objectif est d'apporter un bénéfice social aux exclus du monde économique. Ainsi a-t-il créé au Bangladesh, avec Franck Riboud, le PDG de Danone, la société Grameen Danone Foods qui vend aux habitants de Bogra des yaourts frais à bas prix, qu'ils voudraient servir dans des coques comestibles – et vitaminées. L'initiative permet de lutter contre la malnutrition et les carences alimentaires et d'offrir des emplois locaux. Si elle fonctionne, elle sera étendue à tout le pays. " Ce genre de petite entreprise sociale pourrait se généraliser, explique le professeur Yunus. Elle ouvre un nouveau type de marché, attentif à la pauvreté et aux besoins réels, qui va peut-être changer nos fondamentaux économiques. "

    Nous avons rencontré Muhammad Yunus à Paris, alors que le système mondial du crédit traverse une crise historique et que plusieurs grandes banques se sont effondrées. La peur de la récession gagne les Etats-Unis et des dizaines de milliers d'Américains se retrouvent poussés à la rue par les organismes prêteurs. Qu'en pense le fondateur de la Grameen Bank, où les taux de remboursement dépassent les 95 % ?

    Comment expliquez-vous cette gigantesque crise du crédit populaire qui ébranle l'ensemble du système financier ? L'avez-vous vu venir ?

    Dans l'affaire des subprimes, la crise est inhérente au fonctionnement du monde financier et bancaire. Les principes mêmes de crédit, les garanties exigées, les primes de risque réalisées sur le dos des moins solvables ont révélé combien ce système ne sait pas prêter aux pauvres. La faute revient donc d'abord aux banques. Elles ont prêté beaucoup d'argent en multipliant les fausses promesses. Elles se sont montrées très agressives dans leur publicité. Elles proposaient aux gens des offres fantastiques, assuraient que les plus modestes pourraient rembourser sur la durée.

    En fait, les crédits devenaient de plus en plus lourds. C'est la logique du système financier. Les pauvres doivent être mis sous pression pour rembourser. A la Grameen Bank, nous faisons l'inverse. Nous ne demandons pas de garantie pour prêter de l'argent. Nous n'étranglons pas les gens en pratiquant des taux exorbitants. Nous avons inversé le principe même du crédit. Chez nous, moins vous avez, plus vous nous intéressez. Si vous n'avez rien, alors vous êtes prioritaires. Et ça marche ! Notre taux de remboursement est supérieur à 95 %, comparez !

    Les subprimes, les dettes transformées en produits financiers, l'aveuglement face à la situation des ménages les plus pauvres : comment en sommes-nous arrivés-là ?

    Le système financier cherche toujours le meilleur rendement, il est emporté par sa propre logique, les subprimes, les titres, les hedge funds… La seule voix qui se fait entendre sur le marché est la maximisation des profits. La vente des crédits consentis en titres financiers et créances hypothécaires, la création et les échanges d'actifs bancaires sans solvabilité ont accéléré la crise.

    De grandes banques, de grandes sociétés les ont utilisés pour se couvrir à l'heure des bilans. Le système est aveugle à toute autre considération que le profit. Aujourd'hui, les médias font leurs gros titres sur les sommes colossales perdues par les banques, tout cet argent dilapidé, ces patrons démis de leurs fonctions… Mais j'entends très peu parler des familles qui ont été dupées par les offres inadaptées des banques, qui se retrouvent poussées à la rue, poursuivies par les créanciers, ces centaines de milliers de gens qui les ont crues.

    Vous remettez en cause le principe même de l'octroi du crédit sous garantie, fondement de la théorie économique classique et du fonctionnement financier…

    En effet, je critique le dogme selon lequel des prêts ne peuvent être accordés sans garantie, surtout aux plus pauvres. Tous les banquiers défendent ce principe sans même l'analyser. Quand nous avons commencé, en 1983, ils nous disaient : " Vous gaspillez votre argent. Vous ne serez jamais remboursé. Votre système va s'écrouler. " Mais c'est leur système qui s'écroule aujourd'hui. Depuis vingt-cinq ans, la Grameen Bank et les institutions du microcrédit ont distribué 6 milliards de dollars à 150 millions de familles, sans demander de garantie. Notre banque réalise des profits, comme toute banque bien gérée. Elle n'a pas eu recours à des dons depuis 1995. Elle fonctionne en collaboration avec 10 000 institutions de crédit dans le monde. Selon une enquête récente, 64 % de ceux qui nous ont emprunté pendant cinq ans sont sortis de la pauvreté chronique. Notre initiative constitue une opportunité pour ajuster l'ensemble du système financier. Il devrait permettre de penser un nouveau genre de crédit qui ne laisse personne de côté.Les principes actuels du système bancaire interdisent à la moitié de la population mondiale de participer à la vie économique. Pas seulement dans les pays du Sud, mais aux Etats-Unis et en Europe aussi. Les banques traditionnelles demandent aux gens d'être solvables avant même de leur prêter de l'argent. Mais alors à quoi servent-elles, si elles ne les aident pas à sortir d'une situation difficile, à créer de la valeur, du travail ? Les banques demandent tous les jours à leurs avocats de coincer leurs clients. Nous n'avons pas de juristes dans notre système. Nous n'en avons pas besoin. On mesure combien la théorie économique dominante présente plusieurs angles morts.

    Lesquels vous semblent-ils les plus dangereux ?

    Les banques et les financiers refusent d'entendre que prêter aux pauvres permet de créer des emplois et de générer des revenus. Ils ne reconnaissent pas une famille ou un ménage comme une unité de production dynamique. Ils ne voient pas qu'une activité indépendante – échoppe de rue, service de réparation, barbier, retoucheur, petit artisan itinérant, tout ce qu'on appelle le "secteur informel " – constitue un véritable travail, et même une source d'emploi qui doit être encouragée par le crédit. La littérature économique fait l'impasse sur cette donnée majeure de l'activité humaine, le travail indépendant, qui est le premier moyen de gagner sa vie. Les responsables économiques considèrent l'emploi comme salarié uniquement, ils attendent des entreprises qu'elles embauchent. Si elles ne le font pas, le chômage s'installe. Voilà la logique actuelle du capitalisme. Pourquoi les gens devraient-ils attendre d'être employés ? Pourquoi ne pas les aider à créer leur propre activité ? Les pauvres du Sud n'attendent pas que des grandes entreprises les rémunèrent. Ils n'espèrent pas tout de la politique d'emploi et des allocations-chômage. Ils doivent nourrir leur famille, ils font une multitude de travaux utiles, petit commerce, service de réparation, tailleur… Regardez l'intense activité qui règne dans les rues des villes asiatiques les plus pauvres, et comparez avec les vôtres ! Il faut soutenir cette énergie avec le crédit populaire, lui donner des outils économiques…

    Vous dites qu'en Europe et aux Etats-Unis, nous sommes enfermés dans une politique d'emploi et de crédit élitaire et étriquée. Expliquez-nous…

    Récemment, un ami américain me racontait qu'il avait traversé les régions pauvres des Etats-Unis, les villes frappées par les licenciements et le chômage. Il décrivait des quartiers déserts, des rues mortes, des maisons inoccupées, des bureaux et des usines fermées, partout. Il se demandait comment les habitants parvenaient à survivre. Voilà à quoi mène la logique du travail salarié, la politique de l'emploi unique. Quand cet ami a visité le Bangladesh, infiniment plus pauvre que les Etats-Unis, il a découvert combien n'importe quel coin du pays, à la ville, la campagne, grouille d'activités " informelles ". Sur la moindre parcelle inoccupée, on trouve des cabanes où l'on vend de tout, des légumes, des outils, de l'électronique… Dans pratiquement toutes les maisons, les cours, les jardins, les gens trient leur récolte, fabriquent, soudent, réparent. Dans l'Occident riche, vous ne proposez qu'un seul type d'emploi, salarié, pour un patron, une entreprise. Entendez-moi bien : je soutiens toute forme d'embauche et d'industrie, toute politique de l'emploi. Mais ne promouvoir que le salariat me semble terriblement limité. Voir seulement l'homme comme un être recherchant une paie me semble une conception étroite de l'humain. C'est une forme d'esclavage.

    D'esclavage ?

    Aujourd'hui, dans les pays du Nord, chaque enfant travaille dur à l'école pour obtenir un bon travail. C'est-à-dire un bon salaire. Adulte, il travaillera pour quelqu'un, deviendra dépendant de lui.

    L'être humain n'est pas né pour servir un autre être humain. Un travailleur indépendant, qui tient une échoppe par exemple, travaille quand il en a besoin. Si certains jours il ne veut pastravailler, il le peut. Il a fait sa journée, il profite un peu de la vie. Il n'a personne à prévenir s'il a une heure de retard. Il ne s'inquiète pas de perdre une partie de son salaire. Quand nous étions des chasseurs-cueilleurs, nous n'étions pas des esclaves, nous dirigions nos existences. Des millions d'années plus tard, nous avons perdu cette liberté. Nous menons des vies rigides, calées sur les mêmes rythmes de travail tous les jours. Nous courons pour nous rendre au travail, nous courons pour rentrer à la maison. Cette vie robotique ne me semble pas un progrès. Avec le salariat, nous avons glissé de la liberté d'entreprendre et d'une certaine souplesse de vie vers plus de rigidité. J'ai un salaire, un patron, je dois faire mon job que cela me plaise ou non, car je suis une machine à sous. C'est là le danger global des structures économiques actuelles, de la théorie dominante. L'homme est considéré comme un seul agent économique, un employé, un salarié, une machine. C'est une vision unidimensionnelle de l'humain. Le salariat devrait rester un choix, une option parmi d'autres possibilités.

    Le " secteur informel " n'a pas bonne réputation dans la littérature économique des pays riches…

    C'est un terme dégradant. Ce secteur n'est jamais encouragé ; au contraire, on l'entrave avec des règlements, des patentes, des impôts. Je suggère de lui donner un nom plus adapté, plus valorisant, car c'est justement là que les hommes se montrent le plus créatifs. Faute de mieux, je propose le " secteur des gens ", c'est-à-dire lorsqu'ils inventent eux-mêmes leur emploi, créent leur activité et la pratiquent dans la rue, les quartiers, à la campagne. Dans ce champ d'activité, la population invente son emploi, le pratique un peu partout, dans la rue, dans les quartiers, à la campagne. Le gouvernement n'a rien à y faire, seulement à veiller de ne pas l'étouffer. Je fabrique des bijoux, je grille des noix et des bonbons, je fais la cuisine pour les gens du quartier, je retouche les habits usés, je chante aux terrasses… C'est l'auto-emploi, le self-employement. Je n'ai pas à remplir un formulaire de candidature. Je n'attends pas d'être embauché. Je réponds directement à la demande. En inventant mon activité, je prends soin de moi-même et de ma famille. Des dizaines de millions de personnes vivent ainsi dans les pays en voie de développement. Dans les pays riches, la théorie dominante ne considère pas ces activités comme " économiques ". Les acteurs sociaux, les banques, se refusent à les financer et les aider. Ils croient seulement à l'entreprise formelle, au salariat. Comme si recevoir un salaire vous donnait le certificat de développement !

    Quels autres " angles morts " de la pensée économique révèlent la crise actuelle ?

    Les gouvernements qui tiennent les leviers et les banques considèrent la personne humaine comme une entité abstraite, un agent économique dépourvu de genre sexuel. Or, notre expérience à la Grameen Bank révèle que les femmes se montrent beaucoup plus actives et solvables que les hommes dès qu'on leur donne du crédit. Au Bangladesh, quand j'essayais en vain de convaincre les banques d'octroyer des prêts aux villageois, on me répondait toujours : " C'est impossible de faire ça. " Quand j'ai émis l'idée de prêter aux femmes pauvres, on m'a considéré comme un illuminé. Quand on parlait d'argent aux femmes, elles répondaient toutes : " Voyez mon mari. Je ne touche jamais à l'argent. Je n'y connais rien. " Je me suis rendu compte qu'aucune femme, pas même 1 % d'entre elles, ne fréquentait les banques. Elles ont été tellement sous-estimées que je me disais : elles ont peur, cela va prendre du temps. Quand nous avons lancé la Grameen Bank, nous voulions parvenir à accorder des prêts à au moins 50 % de femmes. Nous savions qu'il allait falloir vaincre les résistances des femmes elles-mêmes.

    Cela vous a pris longtemps ?

    Nous avons mis six ans pour atteindre la parité. Nous nous sommes alors rendu compte que l'argent confié aux femmes procurait beaucoup plus de bénéfices. Elles créaient du travail, de l'emploi, des richesses. Elles remboursaient leur crédit. Au début, nous ne travaillions qu'au Bangladesh. Les femmes bangladaises prennent beaucoup plus soin des enfants que les hommes. Elles pensent à leur avenir, elles veulent faire bouger les choses pour qu'ils vivent mieux demain. Les hommes, eux, veulent profiter de l'instant, ils dépensent facilement. Au début, nous pensions que cet état de fait ne concernait que le Bangladesh. Mais non, on retrouve la même volonté féminine sur tous les continents. Je crois que du fait de sa longue histoire au service des enfants et des hommes, la femme possède une qualité unique, le sacrifice de soi. L'homme ne possède pas un tel sens du sacrifice. On entend rarement dire qu'une femme est allée boire sa paye. Les femmes pensent à long terme, elles économisent, elles sont solvables. Voilà pourquoi le ratio de la Grameen Bank s'est inversé. Aujourd'hui, les femmes sont nos principaux clients.

    A 90 %… Les banques traditionnelles n'ont jamais pensé prêter aux femmes, elles n'ont jamais compris la force économique vertueuse et dynamique qu'elles représentent.

    Vous appelez de vos voeux un " capitalisme social ", un nouveau capitalisme. C'est-à-dire ?

    Souvent on me demande : " Vous avez créé la Grameen Bank. Est-ce que vous n'en tirez aucun profit ? " Je réponds : " Je ne possède pas la Grameen, je ne possède aucune part de la société. "

    J'ai toujours pensé que la Grameen Bank devait être possédée par les emprunteurs, les pauvres. Ce sont eux les propriétaires, d'ailleurs ils font partie du conseil de direction. Bien sûr, je suis chef d'entreprise, je reçois un salaire, mais celui-ci n'est pas lié au fait que je possède des parts. Travailler dans une entreprise à vocation sociale ne vous rapporte aucun dividende. D'autres interlocuteurs me disent, au Bangladesh : " Vous devez être riche, vous avez créé la plus grosse entreprise de téléphones mobiles du pays. " Je leur réponds : " Il s'agit en effet de la plus grosse entreprise de téléphonie mobile du pays, mais cela ne me rend pas riche pour autant. J'ai créé l'entreprise sans même jamais penser y prendre des parts. " Alors ils s'interrogent : " Pourquoi avoir bâti tout cela si vous n'y gagnez rien ? " Je gagne ce que me rapporte mon travail.

    Vous avez contribué à fonder de nombreuses sociétés pourtant…

    J'ai participé à la création de vingt-six sociétés avec la Grameen Bank, je ne suis actionnaire d'aucune. Je sais bien ce que les certains pensent : " C'est un idéaliste. " Mais non, je ne suis pas idéaliste, je suis réaliste. Tout le monde espère gagner de l'argent en faisant des affaires. Mais l'homme peut réaliser tellement d'autres choses en faisant des affaires. Pourquoi ne pourrait-on pas se donner des objectifs sociaux, écologiques, humanistes ? C'est ce que nous avons fait. Le problème central du capitalisme " unidimensionnel " est qu'il ne laisse place qu'à une seule manière de faire : rentrer des profits immédiats. Pourquoi n'intègre-t-on pas la dimension sociale dans la théorie économique ? Pourquoi ne pas construire des entreprises ayant pour objectif de payer décemment leurs salariés et d'améliorer la situation sociale plutôt que chercher à ce que dirigeants et actionnaires réalisent des bénéfices ?

    Quelles en seraient les règles de fonctionnement, à la fois capitalistique et social ? Pourriez-vous donner des exemples ?

    Les premières entreprises de ce genre gravitent déjà autour de la Grameen Bank ou du commerce équitable. Elles ressemblent à des sociétés capitalistes classiques, elles emploient des travailleurs, produisent des biens et des services, proposent à leurs clients un prix unique et cohérent, couvrent leurs coûts de façon pérenne sans rien attendre des dons ou d'une aide gouvernementale. Ce sont des affaires qui tournent, s'équilibrent, ne dépendant pas de la charité. Leur particularité ? Elles se destinent à créer un bénéfice social pour une catégorie de population. Ce peut être, par exemple, produire une alimentation de qualité destinée aux enfants pauvres en se débarrassant de tous les coûts d'emballage luxueux et la publicité des aliments classiques. Ou encore commercialiser des polices d'assurance-maladie permettant aux plus démunis d'accéder à des soins médicaux. Ou bien se consacrer au recyclage des ordures et des eaux usées qui polluent un quartier où vivent les laissés-pour-compte. Regardez autour de vous, vous trouverez partout de quoi monter un social-business. Sans doute faudrait-il en imaginer un qui puisse aider les familles poussées à la rue par la crise des subprimes.

    Propos recueillis par Frédéric Joignot