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World Peace - Page 75

  • SAMPAT PAL, LA CHEF DE GANG EN SARI ROSE

    Sampat Pal est née en Inde dans la caste des gardiens de troupeaux, les Gadarias. Elle aurait beaucoup à nous apprendre sur ce qu’est le courage, la détermination et la persévérance.

    http://www.gulabigang.org/fr/index.html
    GULABI, l'association de soutien au Gulabi Gang

    SAMPAT PAL.jpgEn Inde, bien que le système des castes aie été aboli par le gouvernement et des lois votées en faveur des femmes, dans les milieux ruraux perdurent les discriminations issues des traditions. C’est contre celles-ci que Sampat Pal a eu le culot de se dresser, mais aussi contre la corruption des fonctionnaires locaux (chef de village, police, magistrat) qui laissaient perdurer ces situations sans appliquer les lois.

    - – - Le Girl power hindou
    Ce petit bout de femme n’avait pour se défendre que ses poings, sa voix et sa détermination. Il n’y avait pas de parti politique, de fonds accordés par des ONG ou d’avocat pour l’aider. A pied, avec son bâton, elle a appris aux autres femmes à devenir autonomes en apprenant un métier pour gagner leur vie sans dépendre de leur mari, de la belle-famille ou des crédits d’une banque. Avec sa détermination, elle les a encouragé à se regrouper et à être solidaires pour être plus fortes face à l’adversité. Quand l’une d’elle se retrouve à la rue battue par son mari ou qu’elle est agressée par une personne d’une caste supérieure, le groupe se réuni. Elles revêtent leurs saris roses, signe distinctif de leur groupe « Le Gulabi Gang » et accompagne la femme bafouée devant le mari pour s’expliquer avec lui ou au poste de police pour que justice soit rendue. Et si elles n’obtiennent pas gain de cause de suite, elles persistent et reviennent à la charge jusqu’à ce que la justice triomphe…..

    - – - Une battante
    Mais d’où tire-t’elle son énergie ? Son livre nous raconte son enfance dans une famille pauvre, mais aimante. Elle ne pouvait aller à l’école. Mais, un jour elle quitte son poste de garde à la surveillance des jeunes pousses du champs de sa famille et suit discrètement des petits garçons qui vont à l’école. Fascinée, elle assiste au cours de loi, cachée derrière un poteau et grappille quelques connaissances. Un camarade de son village l’aide dans son apprentissage clandestin. Son oncle se rend un jour compte qu’elle déserte son poste au champs et la retrouve près de l’école. Sampat pense qu’elle va se faire gronder. A sa grande surprise, son oncle qui a été lui aussi à l’école, comprend sa soif de connaissances. Sa famille l’autorise à aller à l’école où elle devient une brillante élève. Mais un jour, ses parents déménagent et elle ne peut plus suivre les cours à son grand regret. L’école la plus proche est trop loin. Vient ensuite l’adolescence et un mariage arrangé. Elle quitte son village pour aller vivre dans sa belle-famille, où son caractère indépendant et épris de justice faits des vagues. Elle apprend ainsi d’abord à se battre pour ses propres droits et son indépendance, avant de transmettre son expérience aux autres femmes. Elle dérange. Les castes supérieures envoient même des tueurs à gages, des « dadas » pour l’éliminer. Mais, rusée, elle échappe à ses ennemis et continue sa lutte.

    - – - Une leçon de vie
    Avec Sampat Pal vous apprendrez la force de la solidarité, de l’action juste et la volonté d’avancer sans attendre nécessairement l’aide des autres, des partis politiques, du gouvernement, d’une éducation, des diplômes…

    Sampat Pal, la chef de gang en sari rose
    Editeur : Oh ! éditions (16 octobre 2008)

    http://www.gulabigang.org/fr/index.html
    GULABI, l'association de soutien au Gulabi Gang

  • UN SOLDAT VETERAN PROPOSE L'ARRET DE LA GUERRE POUR CREER UN MONDE MEILLEUR

    L'étonnant discours d'un soldat vétéran

    "Si nous nous organisons et luttons avec nos sœurs et frères, nous pouvons arrêter cette guerre et nous pouvons créer un monde meilleur."

    Le soldat étasunien Mike Prysner vétéran de la guerre d’Irak a prononcé un discours contre la guerre.

    http://www.dailymotion.com/video/xbruag_hq-des-soldats-americains-partagent_webcam

     "J'ai essayé difficilement d'être fier de mes états de services, car j'en garde quelques-uns de honteux. Le racisme ne peut plus maintenant masquer pour plus longtemps la réalité de l’occupation. Ce sont des personnes, ce sont des êtres humains, dès lors je me couvre de culpabilité, je peux voir qu’un homme âgé ne peut marcher et que nous le traînons sur un brancard pour que la police irakienne le transporte. Je me sens coupable chaque fois que je vois une mère avec ses enfants qui éclate en sanglots hystériquement, criant que nous sommes pires que Saddam tandis que nous l’obligeons à sortir de sa maison. Je me sens coupable chaque fois que je vois une petite fille que je saisis par le bras et traîne jusqu'à la rue. Ils nous disent que nous luttons contre des terroristes, le vrai terroriste c’est moi et le vrai terrorisme c’est cette occupation.

    Le racisme parmi les militaires a été durant longtemps un outil pour justifier la destruction et l’occupation d’autres pays. Durant très longtemps il a été utilisé pour justifier les massacres, l'assujettissement et la torture d’autres personnes. Le racisme est une arme vitale employée par ce gouvernement, c’est une arme plus importante qu’un fusil, un tank, un bombardier ou un navire de guerre, c’est plus destructeur qu’un projectile d’artillerie, qu’une bombe casse bunker, qu’un missile tomahawk. Tandis que ces armes sont fabriquées et sont la propriété de ce gouvernement, elles sont inoffensives tant qu’il y a des personnes qui refusent de les utiliser.

    C’est pour cela qu’ils nous envoient à la guerre, non pas pour presser la gâchette, non pas pour tirer une salve de mortier, non pas pour combattre dans cette guerre, ils veulent seulement vendre la guerre.
    Ils ont besoin d’un public disposé à envoyer et mettre ses soldat en péril, ils ont besoin de soldats disposés a tuer et à être tués sans poser de questions.

    Ils peuvent gaspiller des millions dans une seule bombe mais cette bombe se convertit seulement en arme quand les rangs militaires sont disposés à suivre les ordres pour l’utiliser. Ils peuvent envoyer le dernier soldat dans n’importe quelle partie du monde, mais il ne peut y avoir de guerre que si les soldats sont disposés à combattre. Et la classe dominante, les milliardaires qui obtiennent des bénéfices de la souffrance humaine, se préoccupant seulement d’étendre sans risques leurs richesses en contrôlant l’économie mondiale, comprennent que leur pouvoir repose seulement en son habileté pour convaincre que la guerre, l’oppression et l’exploitation est pour notre intérêt.


    Ils comprennent que leurs richesses dépendent de leurs habiletés à convaincre la classe ouvrière de mourir pour contrôler le marché d’autres pays. Et nous convaincre de tuer ou mourir se base dans son habilité à nous faire penser que quelque part nous sommes supérieurs.

    Soldats, marins, marines, aviateurs, nous n’avons rien à gagner avec cette occupation. La grande majorité des personnes vivant aux États-Unis n’ont rien à gagner avec cette occupation. De fait, non seulement nous n’avons rien à gagner, mais nous souffrons plus, a cause de cela nous perdons des proches et donnons notre vie de manière traumatisante. Nos familles doivent contempler les cercueils recouverts de drapeaux descendus sous terre. Des millions de personnes de ce pays sans assistance médicale, sans travail, sans accès à l’éducation doivent regarder ce gouvernement gaspiller 450 millions de dollars par jour dans cette occupation.
    Les travailleurs et pauvres de ce pays sont envoyés pour tuer des travailleurs et pauvres d’autres pays pour convertir les riches en plus riches encore. Sans le racisme, les soldats se rendraient compte qu’ils ont plus en commun avec le peuple irakien que ce qu’ils ont en commun avec les milliardaires qui nous envoient à la guerre.

    J’ai jeté des familles entières à la rue en Irak seulement pour revenir à la maison me retrouver avec des familles jetées à la rue dans ce pays avec cette tragique et inutile crise hypothécaire.

    Nous devons nous réveiller et prendre en compter que nos véritables ennemis ne se trouvent pas dans un pays lointain et ne sont pas des personnes dont nous ne connaissons pas le nom, ni des cultures que nous ne comprenons pas. L’ennemi ce sont des personnes que nous connaissons très bien, des personnes que nous pouvons identifier, l’ennemi est un système qui déclare la guerre quand c’est rentable, l’ennemi ce sont les chefs de l’exécutif qui nous renvoient de nos postes de travail quand c’est rentable, ce sont les compagnies d’assurances qui nous refusent l’assistance quand ce n’est pas rentable, ce sont les banques qui nous exproprient de nos foyers quand c’est rentable, notre ennemi n’est pas a 5000 kilomètres de distance, il est juste ici à la maison. Si nous nous organisons et luttons avec nos sœurs et frères nous pouvons arrêter cette guerre, nous pouvons arrêter ce gouvernement et pouvons créer un monde meilleur."

    MIKE PRYSNER

    La vidéo se termine par une citation de James Madison :
    JAMES MADISON.jpg

    Si la tyrannie et l’oppression arrive dans ce pays, ce sera sous l'apparence de la lutte contre un ennemi étranger. La perte de la Liberté sera imputée aux mesures contre le danger, réel ou imaginaire."
    SOLDAT VETERAN.jpg
     

    Marche anti-guerre de la Maison Blanche au Bâtiment au Capitole où plus de 160 personnes ont été arrêtées pendant qu'une multitude se meurt.
    Dans cette photo le vétéran de Guerre d'Irak
    Mike Prysner est arrêté par la Police du Capitole américain, qui bloquait l'accès au Bâtiment.


    Mike Prysner n'est pas seul, il y a d'autres vétérans avec lui qui témoignent de ce qui se passe.
    http://www.ivaw.org/wintersoldier

  • KHAZAN GUL : "TOUS LES HOMMES ET FEMMES QUI VEULENT UN MONDE SANS GUERRE SONT MES AMIS"

    Interview d’Horizons et débats avec Khazan Gul

    Khazan Gul a étudié la physique et les mathématiques à la Haute école pédagogique de Francfort. En 1973, il est rentré en Afghanistan, dans son pays dans la région de Khost. Depuis il s’engage pour le développement de l’instruction publique dans son pays et pour l’encouragement de l’autosubsistance qu’il pense être les premières conditions pour un Afghanistan libre et autonome.

    Horizons et débats : Avec nos lecteurs, nous nous intéressons à la situation actuelle en Afghanistan, pourriez-vous nous dire quelque chose à ce sujet ?

    Khazan Gul : En Afghanistan règne la guerre. La guerre, naturellement, est toujours liée à la peur. Le peuple vit perpétuellement dans la peur. Chaque jour les gens craignent que ce soit peut-être aujourd’hui que les Talibans ou les Américains viennent, car les deux sont très cruels avec le peuple.

    Si ce sont les Talibans qui viennent, ils forcent le village à mener une «Guerre Sainte» contre les Américains. Ce sont eux, les occupants, les infidèles qui détruisent notre pays et notre culture. Le peuple ne peut pas se défendre. Les autres sont forts et armées.

    Alors les gens disent, oui, d’accord, ce sont des infidèles et vous, vous êtes nos frères, vous êtes des musulmans, nous voulons bien vous aider, des amis – mais nos enfants, nos femmes, voici les dangers. Les Américains nous mettent en prison et nous bombardent, nous n’en voulons pas. Les Talibans cherchent les gens qui ont rasé leur barbe et qui n’ont pas fait leur prière comme il faut. Quand ils supposent que quelqu’un est un mauvais musulman, ils l’emmènent et le punissent.
    Et puis, il y a les espions américains. Ils rapportent aux Américains : Ce soir, beaucoup de Talibans sont venus, ce village collabore avec les Talibans. Les Américains ont naturellement peur des Talibans et bombardent ce village.
    Beaucoup de gens innocents sont par conséquent tués, et à la radio ils déclarent avoir tués tant et tant de Talibans, mais ce sont des civils, les Talibans ont quitté le village avant.

    Mais le pire est que le gouvernement compte les morts et les blessés et paye 200 dollars par mort et 100 dollars par blessé. Ceci est évidement barbare. Un Afghan mort coûte 200 dollars. Et nous savons que les USA ont demandé aux Libyens 2 millions de dollars de dédommagement par Américain mort. Karzai, lui-aussi, a déjà plusieurs fois critiqué ce fait, il a pleuré puisque également les Américains et les forces étrangères nous tuent. Nous ne pouvons rien faire, les Talibans aussi nous tuent. C’est très triste. Le peuple entier vit dans une peur permanente. Telle est la situation actuelle en Afghanistan.

    Horizons et débats : Quelles sont les possibilités pour la population de venir à bout de cette situation ? Ils y vivent, il faut vivre, comment vous débrouillez-vous ?

    Khazan Gul : Je vis aussi dans la peur comme le peuple. Nous étions heureux lorsque les Talibans sont partis, et nous pensions que les Américains étaient nos amis. Et puis, ils ont commencé à perquisitionner nos maisons et à nous bombarder sans raison. Et maintenant les Américains se font beaucoup d’ennemis tandis que les Talibans gagnent des amis. Si cela continue ainsi, c’est très grave. Nous ne savons pas ce que l’avenir nous réserve. Le peuple est désespéré. La situation s’empire de plus en plus.

    La politique actuelle en Europe et en Amérique doit changer. C’est le peuple qui doit le faire. Le peuple européen et le peuple américain peuvent forcer leurs gouvernements à changer de politique. En Afghanistan, il faut un gouvernement digne de confiance, qui peut gouverner de manière autonome et qui peut se défendre contre des voisins étrangers, c’est dans de telles conditions que nous pouvons avoir un Afghanistan calme, c’est-à-dire les étrangers, les Européens et les Américains doivent nous aider. Actuellement, ce sont les Afghans qui aident les étrangers et non pas vice versa. Nous voulons travailler nous-mêmes dans notre pays, les autres doivent nous aider. Nous ne voulons pas que dans notre pays quelqu’un d’autre gouverne et que nous l’aidions. Je crois que le problème est, que les étrangers travaillent de façon autonome, sans rien demander au gouvernement afghan. Ils circulent en avions et en hélicop­tères, fouillent des maisons et arrêtent les gens, sans que notre propre gouvernement afghan le sache. Je veux dire ceci : aucun Afghan ne veut d’un cœur étranger.

    Horizons et débats : Vous avez mentionné Karzai, quel rôle joue le gouvernement Karzai ?

    Khazan Gul : Ils ne font que ce que leur disent les étrangers. Moi, je les considère comme employés des étrangers.

    Horizons et débats : Le gouvernement ne peut pas poursuivre une politique autonome ?

    Khazan Gul : C’est impossible. S’il y a des forces étran­gères, des forces militaires très puissantes, qui circulent dans le pays sans rien demander au gouvernement, celui-ci ne peut pas poursuivre une politique autonome.

    Horizons et débats : Vous travaillez dans divers projets en Afghanistan et vous essayez d’améliorer la situation des gens là-bas. Pouvez-vous expliquer vos activités à nos lecteurs ?

    Khazan Gul : Je veux bien. Beaucoup de personnes travaillent en Afghanistan, mais convaincues de ne pas pouvoir réussir dans un pays occupé par des forces étrangères, ils se résignent. Je crois qu’il ne faut pas attendre. Surtout dans l’enseignement et l’instruction publique, il ne faut pas attendre parce que c’est comme une vie, quand une journée est passée, elle est passée, elle ne reviendra pas. Je trouve très important que les gens dans chaque situation, aussi difficile qu’elle soit, continuent de travailler, même sous les conditions actuelles.

    Pour moi, le développement de l’agriculture et de l’enseignement est la première condition pour la liberté et l’autonomie de l’Afghanistan. Pour moi, en tant qu’enseignant, l’éducation et la formation sont très importantes. Je travaille maintenant dans des régions que le gouvernement et d’autres évitent. J’ai travaillé là-bas déjà pendant la guerre contre l’Union soviétique. Les gens me connaissent et me comprennent. Je fais construire des écoles et je m’engage pour la progression de l’agriculture. C’est ainsi que j’ai beaucoup de succès. En Europe, je reçois de l’aide de mes amis et de différentes organisations. C’est ce que j’amène en Afghanistan dans ces régions pour construire de beaux bâtiments et pour la formation des enseignants.

    Quand j’étais responsable de l’instruction publique à Khost, j’ai fondé 52 nou­velles écoles dans les montagnes et engagé des enseignants. Ce ne sont pas d’enseignants de formation, mais des gens qui savent lire et écrire, peut-être qu’ils ont fréquenté une école pendant trois ans ou ils ont appris dans une école coranique.

    Il n’y a pas de bâtiments non plus. Les élèves apprennent dehors, sous des arbres. Je veux construire des bâtiments pour ces 52 écoles et former les enseignants. Chaque école reçoit un bon instituteur bien instruit. L’après-midi, celui-ci enseigne tous les autres instituteurs, 10 ou 20, avec les mêmes manuels que ces derniers utiliseront le matin pour enseigner les enfants. Cela fonctionne très bien. Les enseignants ont besoin d’une formation continue car les enfants posent des questions qu’ils ne comprennent pas eux-mêmes. Ils sont obligés de lire les manuels avec les enfants pour voir ce qu’ils ont compris et l’après-midi ils peuvent poser des questions. Ainsi, on peut éliminer les difficultés des enseignants.

    En outre, j’essaye de procurer de l’argent pour la construction d’écoles. Jusqu’à présent, j’ai construit 5 écoles, payées par différentes écoles en Europe. C’est ce que je vais continuer. J’ai trouvé beaucoup d’amis ici en Suisse: Ils veulent financer une école d’agriculture, une école très importante. J’ai reçu de l’argent et quand je serai de retour, je commencerai la construction de cette école. Plus tard, j’engagerai des enseignants et je chercherai des paysans qui veulent suivre une formation. Ils apprendront à construire des systèmes d’irrigation, à cultiver les céréales et les légumes, à faire de meilleures récoltes ou à traiter des maladies simples des animaux et des plantes. Pour cela, il est nécessaire qu’ils apprennent à lire et à écrire, ils seront alphabétisés en même temps. Ainsi, on forme des paysans cultivés qui seront plus tard capables d’enseigner d’autres paysans.

    Horizons et débats : Combien de personnes vivent dans la région où vous travaillez ?

    Khazan Gul : C’est une tribu, les Tani. J’ai enregistré 3000 familles. Mais ces familles, ce n’est pas comme ici, ce sont de grandes familles, 10 à 30 personnes par famille. Je veux faire développer tous les domaines dans cette région. A mon avis, le fait que le fossé entre la ville et la campagne s’agrandisse de plus en plus, cause des guerres.

    Les étrangers vivent et travaillent dans les villes. C’est là où les biens de première nécessité arrivent. Les villes se développent et la campagne reste ce qu’elle est. La majorité de la population vit à la campagne, plus de 80%. Ils n’ont pas de moyens de transport, pas de routes, pas de soins médicaux, pas de cliniques, pas d’eau potable et les maisons sont primitives. Si les villes continuent de croître et que la campagne reste en arrière, cela engendra la haine et l’envie. Les gens ne se comprennent plus. Dans les villes c’est une autre culture qui se développe, une culture européenne.

    Je veux que l’Afghanistan se développe de façon homogène. C’est pourquoi j’essaye de développer cette tribu de montagne, les Tani, en quelque sorte comme exemple pour d’autres régions. Les gens dans d’autres régions peuvent faire de même s’ils veulent. Je travaille dans le territoire de cette tribu – de ma tribu parce que j’y appartiens – pour éviter de futures conflits armés et des guerres civiles.

    Horizons et débats : Existe-t-il une coopération suprarégionale avec d’autres tribus dans d’autres régions qui travaillent pour le même but ?

    Khazan Gul : Malheureusement, les gens cultivés, qui osent le risque et travaillent avec des tribus, sont rares. Les tribus entre elles collaborent évidemment. Chaque tribu a ses lois à elle et sa propre Jirga (un moyen de former la volonté politique qui a fait ses preuves en Afghanistan). S’il faut prendre une décision importante ou s’il y a un danger extérieur, toutes les tribus se rencontrent dans la Loyal Jirga, une grande assemblée, et délibèrent ensemble. Mais des gens cultivés qui travaillent dans les régions des tribus sont rares. Les membres du gouvernement ont pour la plupart fait leurs études en Europe ou aux USA, ils y ont vécu ou y sont déjà nés. Beaucoup d’entre eux ont deux nationalités. Ils ne comprennent pas beaucoup de l’Afghanistan. Ils restent à Kaboul et sont souvent plus peureux que les étrangers. Ils n’osent pas sortir de Kaboul pour aller à la campagne.

    Ce serait naturellement aussi une partie de ma solution, qu’à Kaboul nous ayons un gouvernement qui ne règne pas par envie de l’argent et de la belle vie, mais qui voit son devoir dans le développement de l’Afghanistan et qui serait prêt à collaborer avec la population rurale. Un tel gouvernement serait une solution pour l’Afghanistan.

    Horizons et débats : Est-ce que nous avons bien compris: la plupart des organisations humanitaires ne sont actives qu’à Kaboul ?

    Khazan Gul : Oui, l’argent est destiné à l’aide au développement pour le peuple, mais il reste à Kaboul. Quand une organisation a du courage, elle envoie peut-être des représentants dans les villes des provinces. Mais ils ne vont pas à la campagne pour travailler. Ainsi, l’écart entre la ville et la campagne s’agrandit de plus en plus. Et en plus, les étrangers qui vivent à Kaboul veulent de belles maisons avec des toilettes comme en Europe, autrement ils ne peuvent pas y vivre. Le gouvernement, les étrangers et les organisations humanitaires vivent à Kaboul, pour nous, c’est trop cher. Ils ne produisent rien et vivent au frais des Afghans. Le gouvernement existe grâce à l’aide étrangère et ne réfléchit même pas sur le fait que l’Afghanistan pourrait devenir autonome un jour. Même leurs salaires sont financés de l’étranger.

    Horizons et débats : Le ravitaillement de l’Afghanistan est actuellement dépendant de l’étranger. Au pays même, on produit peu, la plupart des aliments sont importés. Qu’en est-il de la production de biens industriels ? On produit quelque chose ?

    Khazan Gul : Rien du tout. Actuellement, on a commencé à conserver quelques légumes et fruits. C’est très bien. L’agriculture a été détruite parce que le gouvernement a acheté des céré­ales aux USA ou au Pakistan et les a distribuées à la population. Les paysans indigènes ne gagnent plus rien, le prix est trop bas. Beaucoup de paysans ne travaillent plus dans l’agriculture. Les salaires des ONG, des organisations humanitaires étrangères ou de l’armée américaine sont tellement élevés qu’ils ne veulent plus être paysans ou instituteurs. Nous n’avons par exemple dans nos écoles plus d’enseignants d’anglais. Ils préfèrent travailler comme gardien, jardinier ou traducteur. Là, ils gagnent cinq fois de plus. Les paysans travaillent pour des sociétés étrangères ou pour l’armée. C’est pourquoi le projet d’agriculture est aussi du travail pour la paix. Si les gens ont assez à manger ils ne devi­ennent plus soldats. Par conséquent, les Américains ne peuvent plus recruter des soldats en Afghanistan. Aujourd’hui, ils nous achètent parce que nous n’avons rien à manger.

    Horizons et débats : Si les paysans, la population rurale ne vivent plus de l’autosubsistance, de quoi vivent ils alors ?

    Khazan Gul : Des militaires, de l’aide étrangère qui est distribuée ou du commerce. Les pays voisins exportent leurs marchandises en Afghanistan. Le Pakistan vend ses marchandises ici à Khost. Sans aide étrangère il n’y a pas de commerce, par manque d’argent. Sans aide étrangère nous ne pouvons momentanément pas survivre du tout. Et tant que nous dépendons de l’aide étrangère, notre pays n’est pas libre.

    Horizons et débats : Le pays devrait donc produire lui-même des aliments et de la marchandise?

    Khazan Gul : Oui. Si nous avons un bon gouvernement nous pouvons, dans un an, employer tous les Afghans. Nous avons assez de terres en friche qui appartiennent au gouvernement. Nous pouvons les distribuer aux paysans qui ont grande envie d’avoir de la propriété privée. Nous pouvons donner à chacun deux à trois hectares de terrain. C’est ainsi que le gouvernement en profiterait également, car dans notre Islam existe la loi qu’un dixième doit être payé au gouvernement. Si chaque paysan paye la dîme, notre gouvernement sera riche, alors nous n’aurons plus besoin d’aide étrangère. Le gouvernement peut tout faire avec cette dîme et faire travailler le peuple. Si quelqu’un a du travail, il ne pense plus à la guerre. Alors nous n’aurons plus de guerre mais la sécurité.

    Le problème est qu’en Afghanistan on n’ose pas dire que nous avons un mauvais gouvernement. Celui qui critique le gouvernement, est contre les USA, contre l’Europe. Alors tu es pris pour un Taliban ou un membre d’al-Qaida. Tu peux être arrêté et peut-être déporté à Guantanamo. C’est une terrible situation en Afghanistan. Il faut subir, subir, subir. Cela ne va pas. Beaucoup sont malades à cause de cette pression. Cette pression est intérieure. On sait ce qui ne va pas, mais on n’ose rien dire. C’est affreux.

    Horizons et débats : Vous avez passé quelque temps en Suisse – comment votre séjour s’est-il passé ?

    Khazan Gul : J’ai fait des visites dans beaucoup d’écoles, et j’ai donné plus de 53 conférences, parfois j’ai même visité deux ou trois écoles par jour. J’étais tout le temps en route avec mes amis suisses. J’ai tout raconté de mes projets et mes problèmes en Afghanistan et j’ai trouvé beaucoup d’amis.

    A chaque conférence j’ai dit aux élèves que j’avais beaucoup d’amis de par le monde que je ne connaissais pas encore. Je les cherche et je suis ici pour les connaître. Les hommes et les femmes qui veulent un monde sans guerres, ce sont tous mes amis. Et j’ai demandé à la fin : Est-ce que vous voulez également un monde sans guerre? Ils ont répondu: Oui, naturellement, nous voulons un monde sans guerre ! Je leur ai dit : Dans ce cas-là nous sommes amis !

    Mais un monde sans guerre demande du travail. Il ne faut pas dormir et rêver à la maison d’un monde sans guerre. Pour cela nous devons travailler et forcer les gens qui font la guerre à arrêter les guerres. Tous ont promis de faire quelque chose contre la guerre. Je me sens plein de succès et je suis très heureux d’avoir trouvé ici autant d’amis et je continuerai tant que je suis en vie.

    Horizons et débats : Nous vous remercions de nous avoir accordé du temps avant votre départ.